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Tomb Raider dans Libération

Juillet 1997

La couverture de LibérationDans son édition du samedi 26 Juillet 97, le journal français 'Libération' - plutôt un gros calibre - consacre sa couverture à Lara Croft ! A l'intérieur, plusieurs articles sur le phénomène Lara.

Une star virtuelle est née

Lara Croft est l'héroïne du jeu vidéo 'Tomb Raider'.

Bien roulée, intrépide, rusée, Lara Croft fait tourner la tête à des millions de terriens. Mythe sexuel déshabillé sur une multitude de sites Internet, elle ne risque pas de vieillir. Lara Croft est l'héroïne d'un jeu vidéo, 'Tomb Raider', au succès gigantesque : plus de deux millions d'exemplaires vendus dans le monde, dont 300 000 en France. Au-delà d'énormes enjeux économiques, cette créature de bits et de pixels et l'engouement qu'elle suscite sont les symptômes d'une nouvelle culture.

Une Eve immatérielle

Editorial de Gérard Dupuy

Outre l'avenir qui lui revient de droit, l'Eve future, jouissant déjà d'un passé prestigieux, connaît un présent portenteux. Elle a pris l'apparence, somme toute discrète malgré sa plastique superlative, de Lara Croft, héroïne impalpable d'un jeu électronique au succès foudroyant et planétaire.

C'est la première fois depuis l'âge de la pierre, quand les bipèdes ont commencé à broder des légendes le soir autour du feu, qu'un personnage de fiction à visée indentificatoire et addictive est directement issu du chaudron informatique. La tragédie classique et le soap opera, le roman et la BD, sans oublier les lourds studios hollywoodiens, ont désormais un nouveau concurrent, non seulement dans la course au dollars mais aussi dans la mise en plis de l'imaginaire collectif : un mutant surgi dans la lignée génétique des videogames.

Si mutation il y a, il convient de préciser qu'elle concerne plus le hardware que le soft, la quincaillerie plutôt que l'idéologie. Ce n'est pas nouveau : tant de science-fictions ne se sont-elles pas contentées de recycler approximativement un imaginaire pseudo-médiéval ? Lara Croft ne sort de nulle part ailleurs que du moule ordinaire du temps, cahots, courts-circuits et marches arrière compris : Pilleurs de tombes, tel est le titre du jeu et sans doute aussi une sorte de philosophie.

Il faut tout de même pointer un détail qui n'en est certainement pas un : le premier superhéro de l'ère multimédia est une héroïne...

Pour une fois, l'Eve future ouvre la marche. Il convenait de la saluer.

Lara Croft vole la vedette aux stars humaines

Par Olivier Séguret

L'héroïne du jeu vidéo Tomb Raider acquiert une notoriété mondiale.

Pour la première fois, une créature virtuelle envahit l'univers médiatique et créatif.

Nulle autre avant elle n'avait atteint ce statut : Lara Croft est la première star virtuelle en passe de devenir une notoriété mondiale. Il y a bien eu quelques prémices dont un certain Max Headroom, le pionnier, présentateurs de synthèse des années 80 pour la télévision britannique Channel 4, ainsi que quelques autres avatars cathodiques moins fameux, telle l'actuelle Clio sur Canal+. Il y eut aussi, l'été dernier, au Japon, le lancement fracassant de la nymphette sautillante Kyoto Date, créature 100% digitale qui, depuis, squatte les hits-parades nippons au rythme de ses tubes acidulés parmi lesquels... Love Communication. Mais jamais un personnage de synthèse n'avait investi si durablement les paysages réels du monde concret comme Lara Croft est en train de l'accomplir. jamais une pure invention, une personnalité immatérielle, n'avait été à ce point prise au sérieux parmi une multitude d'acteurs économiques, culturels, artistiques, ni suscité tant de curiosité et d'excitation parmi les milieux de la pub, des affaires et des médias. Depuis les colonnes du Wall Street Journal jusqu'aux cours de récréation, tout le monde s'accorde à reconnaître à en Lara Croft une parfaite icône de notre fin de siècle. Mais qui est Lara Croft ?

A l'origine, l'héroïne d'un jeu vidéo. Pas n'importe lequel : Tomb Raider, un jeu d'aventures assez exceptionnel, le plus gros succès actuel dans le secteur avec 300 000 exemplaires vendus en France et bientôt 2,5 millions dans le monde. Un phénomène. Mais que tout, dans la conception du jeu, la richesse des événements et le soin apporté aux détails, justifie.

Beauté plastique

Premier jeu vidéo en 'full 3D', c'est-à-dire avec des personnages en trois dimensions évoluant dans des décors en trois dimensions, Tomb Raider a fait succomber tous les amateurs : grande beauté plastique ( décors, textures, musiques), subtilité technique (liberté de déplacement, épreuves sous-marines, etc.) et une tension dramatique plutôt dense.

Dans ce jeu, Lara Croft, c'est vous. Elle est là pour obéir au doigt et à l'oeil à vos injonctions de manette et courir à votre place de l'Egypte au Pérou, plonger dans les sépultures antico-mythologiques du roi Midas ou de Qualopec, toujours à la recherche du 'Scion', bijou démiurgique transmis par les civilisations de l'Atlantide... Lara Croft est belle et bien roulée, intrépide et rusée, bagarreuse et néanmoins d'origine aristocratique. Elle nage, dégaine, s'agrippe et fait autant de saut périlleux que vous voulez. Elle se bat contre des gangsters, des momies sanguinaires, des loups, des panthères, des crocodiles et même un Tyranosaurus Rex. Jamais fatiguée, elle ne s'accorde aucun répit ni plainte, juste un curieux petit râle aux confins du plaisir et de la douleur lorsqu'elle heurte un ennemi ou un obstacle : 'ouh!'.

Top Model

Mais Lara ne va probablement pas rester muette longtemps. Sur la lancée du succès de Tomb Raider, elle commence même à organiser un joli vacarme. Les milieux branchés de Londres ont tirés les premiers. Lara a fait la couverture du magazine The Face sous le titre 'Silicon Chick'. Les créateurs de mode s'en sont emparés comme d'un nouveau top irrésistible : Alexander McQueen lui a taillé un smok, Jean Colonna une petite robe d'été et Gucci un bikini sexy. Depuis elle a rejoint le cheptel d'élite de l'agence de mannequins anglaise Models qui gère en exclusivité son image auprès des stylistes. Elle y est, dit-on, 'très chère', ce qui semble logique puisqu'on se l'arrache.

A telle enseigne qu'il sera bientôt difficile d'ignorer encore Lara Croft. Pour les concerts de leur nouvelle tournée, le groupe U2 a aussi fait appel aux services de l'aventurière : des séquences spécialement conçues pour l'occasion montrent Lara sur un écran vidéo géant, main dans la main avec Bono. Dès l'automne, elle sortira un CD de son propre single, sur une musique que lui a composée Dave Stewart, Ex-Eurythmics, et dont le clip est déjà en préparation. Fatalement,, un intense merchandising de toutes sortes de produits dérivés est à prévoir : blousons, sacs à dos, tapis de souris, montres chrono, etc. Sur le web, c'est une véritable hystérie : des centaines de sites Internet sont consacrés à la gloire exclusive de Lara Croft (on en aurait recensé deux mille, alors que le jeu, et donc son héroïne, n'existe que depuis un an). Certains poussant le fétichisme aux bornes de la licence, tel ce site blagueur qui propose d'imaginaires codes secrets pour voir Lara nue et en donne une illustration dépoilée néanmoins très convaincante.

Curieusement, les premiers surpris de cette épidémie ont été les propriétaires de Lara Croft eux-mêmes : la société d'édition de logiciels Eidos Interactive, l'un des poids lourds du secteur des jeux électroniques qui a eu la bonne idée d'accueillir dans son catalogue ce jeu inventé par Core Design, une modeste boite de concepteurs et développeurs basée à Derby, England. En rachetant Core Design, Eidos s'est assuré le contrôle sur Lara Croft et préside désormais à ses destinées, son créateur officiel, Toby Gard, ayant renoncé à ses droits sur sa créature pour aller fonder ailleurs sa nouvelle et propre société : 'Je ne suis ni passionné, ni fatigué par Lara Croft. Je pense simplement qu'il ne serait pas très normal d'aimer déraisonnablement quelque chose que j'ai inventé. Ce serait un peu trop Fiancée de Frankenstein à mon goût' déclarait-il à The Face.

Une compagne inhabituelle

A propos du triomphe culturel et médiatique de leur personnage fétiche, les actuels développeurs du prochain épisode des aventures de Lara, Tomb Raider II, offrent cette explication rencontrée partout : c'est parce que Lara est une femme, la première à ce rang et dans ce rôle dans un jeu d'action et d'aventures. Massivement masculin, le public des jeux vidéo a trouvé en elle une compagne inhabituelle, et par ailleurs irrésistible du point de vue de ses formes (on trouve de nombreuses supputations sur le Web à propos de son tour de poitrine exact). Mais inversement, la valorisation d'une héroïne dans un tel jeu a drainé vers Tomb Raider un public plus féminin que d'ordinaire, signal d'autant plus intéressant que sur le marché phare du secteur, au Japon, les filles représentent une part croissante de la clientèle des jeux vidéo, attirées par des produits toujours mieux ciblés.

Nippons accros

Sur l'archipel, où le marché des jeux vidéo atteignait 15 milliards de dollars l'an passé, la 'computer culture' a désormais son gourou, Toshio Okada, de l'université de Tokyo et inventeur du jeu 'Pricess Maker', avant-garde d'une nouvelle génération de jeux basés sur des relations virtuelles. Observateur engagé de la génération des 'otaku', ces jeunes adultes et garçons nippons acros aux jeux et à l'ordinateur, il prédit l'avènement dans notre paysage de créatures virtuelles toujours plus nombreuses : 'nous travaillons à l'introduction d'émotions humaines dans les softwares de jeu, dit-il ; les jeux vidéo sont les romans de notre époque'. Dans cet esprit, on prévoit de lancer bientôt au Japon un nouveau jeu sur PlayStation : l'éducation 'réaliste' d'un bébé humain que, à l'instar d'un Tamagochi, bestiole virtuelle confinée à l'espace d'un porte-clefs, il s'agira d'élever, de nourrir, instruire et soigner...

Sur Canal+ en Septembre

La longueur d'avance prise par Lara Croft dans l'élaboration d'un gotha virtuel mondial a-t-elle une limite ? Jusqu'où peut-on creuser le filon ? En Septembre, Lara commencera une série d'apparitions régulières dans l'émission Cyberflash de Canal+. A Noël, on prévoit d'éditer une BD Lara Croft, probablement chez Glénat, tandis qu'une version dessinée plutôt comics concoctée à l'intention du public d'outre-Atlantique. Déjà, Hollywood a pointé le bout de son nez : 'Il y aura un film, c'est certain', avance-t-on du côté d'Eidos France . 'C'est actuellement en négociation avec les américains, pour une mise en production vers la fin 1998, mais rien n'est arrêté. On sait simplement que ce sera sur le mode Indiana Jones au féminin, avec de vrais acteurs de chair et d'os'. Reste à trouver une Lara crédible, le sosie officiel jusqu'ici pressentie, une certaine Rhona Mitra, labellisée ambassadrice en titre du personnage de synthèse, n'étant pour l'instant affectée qu'à la stricte promotion du disque à venir. La vraie Lara, elle, c'est-à-dire celle toute en bits et pixels, a d'ores et déjà accompli sa mission : ouvrir les frontières qui confinent les jeux vidéo dans l'indifférence ou l'opprobre et fédérer sur son nom et sa silhouette une attention, une capacité d'identification qui dépassent de très loin le cadre du phénomène Tomb Raider lui-même. Son charisme a débordé largement du cadre prévu et polarisé l'attention très au-delà de la subculture des jeux vidéo, elle-même en pleine germination.

Balbutiements

Car le jeu vidé, tout technofuturiste qu'il nous apparaisse n'en est qu'à ses balbutiements, sa paléontologie. L'aube est prometteuse mais nous n'avons probablement encore rien vu : des canons sont en train de s'élaborer, une grammaire propre se met en place. Tomb Raider, dans cette optique, est peut-être l'Intolérance (1) des jeux vidéo : pas le premier en date, mais celui qui fonde une tradition et après lequel rien n'a été pareil. Dans le même esprit, il fait prêter attention à Lara Croft pour ce qu'elle annonce et dont elle est le symptôme, telle la sentinelle avancée d'un peuple virtuel encore à nos portes mais auquel notre monde offrira très certainement une place et une attention toujours croissantes.

(1) Le film fondateur de D.W. Griffith, réalisé en 1916.

Des aventures à suivre
Rencontre avec les concepteurs de Lara Croft

Le filon des aventures virtuelles de la volage Lara n'est pas près de tarir : chez Core Design où elle fut inventée, on met ces jours-ci au point les derniers détails de Tomb Raider II, pour une remise de copie fin Septembre, la sortie du jeu lui-même étant annoncée pour Novembre. Les actuels développeurs se trouvent dans la situation classique des jeunes cinéastes à l'orée d'un deuxième film : très attendus au tournant, ils sont priés de ne pas décevoir, les enjeux économiques désormais arrimés au sort de Lara Croft le permettant d'autant moins.

Parmi cette équipe sous pression de sept personnes (scénaristes, designers, programmeurs, animateurs et graphistes), on trouve Joss Charmet, jeune homme typique d'une nouvelle génération de créatifs de tout poil qui voit dans l'industrie du jeu vidéo le nouvel Eldorado de leurs ambitions, un peu à l'image de ceux que le secteur de la pub incarnait dans les années 80. Bordelais d'origine, il a fait ses premières armes chez le français Kalisto, l'un des bons du secteur, et a ensuite surfé sur la grosse réputation acquise un peu partout par la 'french touch', en ces matières immatérielles : les effets spéciaux, les animations de synthèse et tous autres types de bidouillages. Question gros sous, les trois places fortes mondiales restent néanmoins le Japon, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne : 'il faut savoir bouger, l'exil est à peu près inévitable dans ce métier'.

Pour le deuxième épisode des aventures de Lara, Joss s'est spécialisé dans le graphisme des ennemis qu'elle devra affronter : toutes sortes d'animaux nouveaux (léopards des neiges, barracudas...) et d'innombrables guerriers, chinois notamment, le final ayant lieu sur la Grande Muraille. La petite subculture en train de naître autour des jeux vidéo est un agrégat d'influences éclectiques dont Joss Charmet est un bon exemple : 'je m'inspire aussi bien de livres d'architecture que de comics et BD de tout style dont je me suis nourri depuis toujours, ou que de livres d'archéologie, que de costumes, etc.'. Dans les séquences appelées FMV (Full Mtion Video) que comporte désormais tout nouveau jeu, interludes cinématiques en 3D qui sont souvent le siège des créations graphiques les plus libres, Charmet privilégie plutôt un sobre esprit cinéma et favorise 'les plans de coupe, travellings et regards western' comme chez les maîtres du ciné de Hong-Kong, John Woo et Tsui Hark en tête, dont il reconnaît s'inspirer tant qu'il peut.

Optimiste sur l'avenir créatif du secteur, 'la full 3D, juge-t-il, n'oppose pas de limite à la création', il ne voit comme bornes à l'invention que celles imposées par les différents codes de censure en vigueur : 'pas trop de violence, ni de gore sinon les Allemands froncent les sourcils. Ou alors il vaut mieux que le sang soit vert ! En Angleterre, un soupçon d'érotisme entraîne souvent un 'parental advisory' contraignant'.