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L'Argument et l'Arme

L'Argument et l'Arme, Chapitre 6, par Helo, le 23 juin 2003.

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Chapitre 6

Notre chute libre fut d'à peine deux mètres, mais le choc fut pénible. Lara et moi nous sommes écrasés durement contre des parois rocheuses obliques et avons déboulé le long du mur. Le golem de roc, pour sa part, fut trop gros pour s'insinuer entre le plafond et la paroi inclinée, et resta donc immobilisé dans le tunnel.

Lara, qui glissait devant moi, arrêta finalement sa course dans une petite salle circulaire au milieu d'un nuage de poussière. Elle resta étendue sur le dos, soupirant d'exaspération. Immédiatement après, incapable de ralentir, je lui rentrai dedans en lui arrachant un grognement de protestation. Nous toussâmes quelque peu, agressés par les particules trop nombreuses flottant dans l'air. Lara, la nuque appuyée sur mon mollet, demeura étendue sur le sol. Vu son expression renfrognée, je décidai de la laisser tranquille. Aussi me laissai-je mollement retomber sur le dos, bras écartés.

Je laissai balader mon regard un peu partout, portant une attention toute particulière au plafond garni de stalactites, qui me semblaient légèrement trop pointus pour trôner ainsi au dessus de nos têtes. Nous reposions sur un sol sablonneux, et nulle ouverture, outre celle par laquelle nous étions arrivés précipitamment, n'était visible dans la pièce.

- J'imagine, Orth, que cette petite glissade a effacé, ou du moins estompé les pictogrammes que j'avais dessinés sur votre chemise?
- Je n'ose même pas regarder... Tu sais que ta tête est lourde? Mon mollet-
- Un problème avec le vouvoiement, Orth?
- Oh, la paix...

Je retirai prestement ma jambe, un peu fier qu'elle se cogne le crâne sur le sol. Notre silence temporaire fut chassé par un léger craquement. Nous nous sommes redressés sur nos coudes de manière synchronisée, et avons tendu l'oreille pour déterminer la provenance de l'étrange son. Lorsque celui-ci se reproduisit, nous pivotâmes tous deux sur le ventre afin d'observer le sol derrière nous.

Celui-ci s'était fissuré et s'effritait tranquillement. L'idée de chuter à nouveau, possiblement de beaucoup plus haut que la première fois, me transmit un frisson de terreur. Je me suis redressé sur mes genoux, planifiant de m'éloigner de la fissure, alors que Lara m'ordonnait fermement de rester tranquille. Mon mouvement fit tomber une nouvelle plaque du plancher dans le ravin qui devait se trouver dessous. Une large fissure se détacha du trou béant et vint cisailler le plancher sous Lara. Elle écarquilla les yeux, et entreprit de faire des mouvements lents afin de s'éloigner de la craque. Le sol protesta alors avec un craquement lugubre. Lara me jeta un oeil, debout sur le sol fragilisé, et tenta un dernier pas dans ma direction. Je lui tendis la main, et l'agrippai fortement en la tirant vers moi.

C'est à ce moment que le plancher la trahit, et s'effrita en un nuage de poussière. Elle bascula dans le vide, et son poids fut combiné au mien, l'ensemble des forces concentrées sur mes deux pieds. Le sol fragilisé ne pu supporter notre masse et mes mouvements chaotiques en vue de remonter Lara à mon niveau. Il en résulta de l'affaissement total du plancher de la salle. Nous nous engouffrâmes donc dans les ténèbres du dessous...

... et tombâmes sur le dos trois mètres plus bas. Lara marmonnait à mes côtés, se frottant les côtes. Pour ma part, j'oubliai momentanément mes épaules endolories et mon souffle coupé, et scrutai l'air chargé de poussière. Un second craquement, beaucoup plus sinistre que les premiers, se fit entendre sous moi. Je sentis les fissures se former sous mes omoplates. Le plancher ondula, et tomba par dalles. Lara et moi chutâmes à nouveau dans le puit circulaire.

Notre destination prit fin alors que nous nous écrasions sur un sol jonché de branches et de racines. Le son mat de notre atterrissage fut troublé par un bruit, ma foi, difficilement descriptible. Je me redressai prestement dans le noir alors que Lara poussait un hurlement.

- Est-ce que c'est parce que vous avez un gros coléoptère sur le genou ou que votre-
- Ta gueule, crétin!

La réplique fut soulignée par un coup de poing, lancé aveuglément, qui me cueillit au milieu du front.

- Hey, du calme, Miss! C'était ma tête ça!

Mon emportement aurait été assuré lors une autre situation, mais je ravalai mes insultes alors que je percevais sa respiration saccadée, chargée de gémissement de douleur. Je tâtonnai dans le noir vers ma collègue, et lui agrippai l'épaule en m'approchant près d'elle.

- Un problème?
- Deux. Vous, et ma jambe.
- Dites-vous simplement que sans l'un, vous ne pourriez pas remédier à l'autre. Qu'est-ce qu'elle a votre papatte?

Elle se contorsionna dans le noir afin d'enlever son sac à dos, coincé sous elle. Elle le posa sur son ventre et en sorti une torche. Alors qu'elle la craquait, une lueur teintée de vert éclaira les alentours peu chaleureux du fond du puit. Je reportai à plus tard mon observation de notre lieu d'atterrissage et posai mon regard sur la nature du pépin. Ma gorge se noua.

- Oh... C'est pas grand chose vous savez. Vous vous plaignez un peu pour rien.
- Mon cul, Orth.
- Qu'est-ce qu'il a votre cul?
- Simple expression... pour dire que vous êtes un menteur minable. Vous avez meilleure crédibilité sur papier, dans vos articles...

Je lui adressai une grimasse embarrassée et l'observai se redresser sur ses coudes, fixant sa jambe d'un air embêté. Elle était tombée sur une branche sèche, sans vie, dressée perpendiculairement au sol. Sa jambe, à hauteur du genou, était empalée sur cette dite branche. Bien que mes connaissances en médecine soient assez nulles, je pouvais néanmoins constater que la rotule s'était passablement baladée, et que l'articulation ne devait plus valoir grand chose.

- Si je peux vous être d'une quelconque aide...

Elle me jeta un regard scintillant, scrutant mon attitude désolée.

- Vous avez la chienne, Orth?
- J'ai bien le droit d'être un peu dégoûté...
- Bien entendu... Vous m'aideriez à briser la branche sous ma jambe?

Je me redressai, indécis, tendis qu'elle tendait la torche dans ma direction pour m'éclairer. J'empoignai la branche ensanglantée sous son genou, et la brisai en prenant garde à ne pas faire de mouvements brusques. Elle serra les dents, et je lui jetai un oeil en projetant la brindille au loin. Nous échangeâmes un faible sourire.

Elle se redressa, maintenant libérée du sol. Je l'observai, bouche béante. Elle calla sa torche entre ses dents, saisis la branche par dessus son genou et la cassa près de son articulation. Ainsi raccourcie, la branche serait moins longue à retirer. La saisissant dessous, elle tira violemment, puis se projeta vers l'arrière en étouffant un cri de rage. Une formidable envie de vomir m'assaillit, mais l'envie d'emmerder prit le dessus.

- Vous êtes folle? Après ça, vous aller vous plaindre, et c'est moi qui devra endurer vos conneries.

Elle me jeta un regard assassin. Saisissant fermement le bout de bois ensanglanté, elle le jeta au loin en grognant. Elle se redressa à nouveau, ne daignant même pas répliquer, et entreprit de se faire un bandage serré.

Je me retournai, toujours assis sur le sol glacial, et admirai les racines, branches et plantes desséchées qui parsemaient les murs terreux. Je supposai, d'après la présence de pousses et de végétation morte, qu'il avait du y avoir jadis un éboulement ou un glissement de terrain ayant recouvert les végétaux. À la lueur de la torche, je découvris également un gros tronc d'arbre creux incrusté dans le mur, parmi les racines, qui était incliné vers le haut. Son ouverture était partiellement bouchée, mais suite à quelques excavations, ce pourrait être une issue praticable. Restait à savoir si elle menait en quelque part.

- Je crois avoir trouvé un moyen de sortir de ce tombeau naturel.
- Qu'est-ce qu'on va faire, Orth?

La question me semblait étrangement posée. Lara y avait mis une pointe de désespoir. Je me retournai vers elle, alors qu'elle ajustait son bandage la tête basse, de l'épuisement gravé dans ses traits.

- Que voulez-vous dire?
- Les pictogrammes se sont effacés, Orth. Et la poussière et la saleté les a rendu totalement indéchiffrables. On ne peut plus compter sur votre chemise. Alors qu'est-ce qu'on va faire? Vous avez l'intention de retourner à la surface, et pourquoi? Pour se faire intercepter par nos poursuivants armés jusqu'aux plombages? Je ne peux plus fuir, j'ai la jambe en compote. Pour retourner dans le temple? Je vous rappelle que nos compagnons de pierre sont toujours là. Si nous survivons au premier front des assassins, il est peu probable que nous nous en sortirions face à des golems de roc. Ça ne nous mènera à rien, nous n'avons pas-

Elle leva un visage peiné vers moi et s'arrêta de parler. Elle scruta mon sourire en coin. Je me tenais devant elle, bras croisés sur la poitrine, et je l'observais d'un air amusé.

- Vous êtes jolie quand vous êtes triste, Croft. Mais bien moins que dans n'importe quelle autre situation.

Je m'approchai et m'accroupis devant elle.

- C'est mon boulot d'être pessimiste, pas le vôtre, Miss. Personnellement, je n'ai aucune envie de me ratatiner ici. On va sortir de ce trou lugubre et gluant, que vous le vouliez ou non, et nous planifierons ensuite ce que nous devons ou ne devons pas faire.

Nous nous observâmes quelques instants, scrutant nos regards. Le mien se posa sur sa joue, où s'étendait une tache brunâtre. L'idée de la nettoyer m'effleura l'esprit, mais le geste me parut trop sympathique pour être mis à profit. Aussi modifiai-je l'idée originellement trop tendre, et lui empoignai-je le crâne fermement en lui frottant durement la joue. Elle grogna momentanément, puis me gifla.

- Hey, vous étiez sale! Je voulais simplement-
- Vous n'êtes qu'une enflure.
- Oh... Merci, Croft, je vois que vous vous sentez beaucoup mieux, lui dis-je avec un sourire forcé.

Immédiatement après, je plaçai mes bras sous ses omoplates et ses jambes, prenant bien garde de mettre son poids sur son genou intact, et la prit dans mes bras afin de l'amener près du tronc creux. Surprise de l'action, elle s'agrippa à mes épaules après avoir récupéré de justesse son sac à dos et sa torche. Elle me gratifia d'un regard méprisant, ce qui me fit ricaner légèrement.

Je la déposai doucement au sol, et tentai de m'insinuer dans la mince ouverture du tronc, au trois quart bouché par un amas de terre. J'observai vers le haut, tentant de distinguer un passage. Ma voix, étouffée par la paroi nous séparant, parvint aux oreilles de Lara.

- Même la torche ne révèle rien de spécial. Je ne vois pas grand chose.
- Moi je vois tout. Vous avez un joli derrière, Orth.

Je figeai momentanément, les mains appuyées sur les parois poisseuses et imparfaites du tronc.

- Vous pouvez regarder ailleurs que l'endroit où se trouve mon cul, Croft! C'est pas interdit, bordel!

Elle rit faiblement. Je ressorti de l'ouverture, les cheveux garni de glaise et le visage barbouillé, et évitai son regard.

- On ne perd rien à essayer de monter. Je n'ai rien décelé, mais il pourrait y avoir un passage à la sortie du tronc, ça reste à voir.
- Allons-y.
- Vous êtes certaine que votre-
- Vous allez me porter.
- Je ne suis pas un mulet...
- Et vous n'êtes pas une fillette, alors vous n'y verrez pas d'inconvénients. C'est l'occasion de prouver à une femme plus forte que vous que vous pouvez être fort quand vous en avez envie.

Ponctuée d'un clin d'oeil, sa réplique me parut vexante. Néanmoins, je n'y prêtai pas davantage d'attention, supposant que ça n'en valait pas la peine, et je me mis dos à elle. Lara posa ses bras sur mes épaules et joignit ses mains devant mon cou. Entourant ma taille avec sa jambe non blessée, elle s'agrippa plus ou moins solidement afin de prévenir une chute douloureuse.

Trois coup de pied eurent raison de l'amas de terre qui bloquait l'ouverture du tronc. Je m'inclinai suffisamment afin que nous passâmes tous deux dans l'ouverture, et débutai mon ascension dans la carcasse végétale.

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