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L'âge de glace - Director's Cut

L'âge de glace - Director's Cut, Chapitre 17, par Pitoch, le 07 mars 2006.

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Chapitre 17

Les brutes s'avancèrent jusqu'à former un demi-cercle parfait autour de la passerelle du yacht. Indy se prépara à remonter lentement dans le bateau et de demander à Bryce de quitter le port en vitesse. Il espérait que le jeune homme avait conscience de la situation, et qu'ainsi il avait anticipé le mouvement et largué les amarres. Il commença à reculer vers le pont, sans quitter des yeux les hommes qui affichaient des sourires torves et malsains. Lara le dépassa soudain, descendant la passerelle vers le quai.
- Tu vas quelque part, Indy ? demanda-t-elle innocemment.
- Mais... bafouilla-t-il pour toute réponse.
Abasourdi, il vit Lara se placer au milieu du cercle de brutes. La jeune femme les regarda tous un par un, lentement, d'un air de défi. Puis, elle tendit le doigt vers un des hommes, dont les yeux éteints et le sourire niais permettaient d'évaluer en un clin d'oeil son niveau d'intelligence. Il portait un long et épais bâton, qu'il plaça négligemment sur son épaule en sortant du rang, appelé par Lara. Il s'avança confiant, encouragé par ses partenaires, ne voyant finalement, en face de lui, qu'une frêle jeune femme. Cette erreur d'appréciation fut partagée par tout son groupe : le résultat fut terrible. Tous les autres Crétois présents, ainsi qu'Indy et Bryce, grimacèrent de douleur après que Lara eut lancé son pied dans l'entrejambe de son adversaire. Celui-ci s'écroula lentement en gémissant faiblement, avec une voix relativement aiguë. Lara ramassa le bâton et le fit légèrement tournoyer autour d'elle, jouant avec à la manière des artistes martiaux. Elle bloqua l'arme de fortune sous son bras et fit signe à tous les autres hommes de la rejoindre : un défi venait d'être lancé par une femme à des hommes méditerranéens. L'affront était suffisant pour que tous les hommes se jettent sur elle sans hésiter. Le premier arrivé reçut un violent coup de bâton en plein front. Le second, dans le même mouvement fluide, en reçut un dans le ventre, puis sous le menton. Lara fit un tour sur elle-même afin d'éviter une charge, et laissa traîner son bâton dans les pieds du troisième agresseur. Il tomba à la renverse, face contre terre. Sans hésiter, la jeune femme lui sauta à pieds joints sur la tête, l'assommant pour de bon. Elle se baissa à temps pour éviter un nouveau coup et frappa l'homme en pleine gorge, avec le bout du bâton, lui coupant la respiration. L'autre bout de son arme heurta le cinquième agresseur en plein nez, le faisant exploser dans une gerbe de sang et un bruit d'os brisé. Dans un mouvement fluide et rapide, Lara se laissa descendre en grand écart facial, forçant les deux hommes qui la cernaient à se frapper mutuellement, emportés par leur élan. Elle se remit aussitôt debout et, prenant son bâton par une des extrémités, l'abattit à la façon d'une hache sur le crâne du huitième Crétois. Dans la continuité, elle gifla violemment le neuvième et dixième hommes. Elle reprit alors son arme par le centre, la fit tournoyer élégamment et l'arrêta soudain en posant une extrémité par terre. Prenant une pose conquérante, elle regarda le résultat. En moins d'une minute, dix hommes étaient à terre, assommés ou gémissants. Les deux derniers, encore valides, s'enfuirent sans demander leur reste. Lara jeta alors son bâton, se tapa les mains l'une contre l'autre et se tourna vers Indy, un sourire énigmatique aux lèvres.
- On y va ? proposa-t-elle.
Bryce rejoignit Indy sur la passerelle, les affaires sur le dos. Indy lui en prit quelques unes, afin de l'aider.
- Ce coup-là, on a pas fini de l'entendre... souffla-t-il discrètement.
Bryce éclata de rire.

***

Lara accueillit le retour au manoir Croft avec soulagement. Le voyage en avion, puis en voiture avait été proche de l'enfer, la situation météorologique s'étant grandement aggravée.
Le thermomètre tournait autour de vingt degrés en-dessous de zéro, et des tempêtes de neige balayaient le nord de l'Europe, jusqu'à Paris ou Berlin. Les prévisions étaient de plus en plus pessimistes, et Tony Blair en personne était intervenu à la télé pour expliquer qu'il fallait éviter de sortir de chez soi. Lara aurait volontiers écouté de tels conseils et aurait aimé rester au chaud, à l'abri dans son manoir, mais le temps n'était pas au repos : ils devaient sauver le monde.
- Il faut vraiment se dépêcher, fit Indy en se débarrassant de son manteau détrempé par la neige. J'ai peur qu'ils ne finissent par clouer les avions au sol.
- C'est possible, oui, confirma Lara. Du thé pour moi, s'il vous plait, Winston.
Le majordome acquiesça, jetant un regard sévère aux chaussures boueuses d'Indy.
- Ca devient trop compliqué pour moi, soupira la jeune femme en se jetant dans un canapé.
- Seulement en apparence, Lara. La situation est assez claire. Résumons-la : Loki, Dieu scandinave banni du royaume des siens, se réincarne en Lorsenn et met tout en oeuvre pour retourner chez lui. L'évasion proche de son fils, le Loup Fenryr, lui donne un prétexte formidable pour montrer sa bonne foi à Odin. Il retourne en Asgard, convainc Odin que le royaume est en danger, nous aide et nous renvoie sur Terre. Sauf que son assistant, humain, rêve de dominer le monde et veut donc nous empêcher de tisser une nouvelle corde.
- Et il agit à l'insu de Lorsenn, donc.
- Exactement !
- En clair, nous avons une mission, retrouver des artefacts, et un ennemi reconnu, Tête de Fouine.
Indy sourit.
- Tu vois que c'est simple, finalement !
- C'est vrai.
- D'autant qu'au final, nous devons lutter contre un humain. C'est donc jouable. Mais il faut faire vite. Trouver ces artefacts.
- Ca devient urgent, en plus !
- Oui. Et nous allons avoir besoin d'aide, Lara... On ne peut pas faire ça tous les deux.
- Et en l'absence d'Alex, tu veux intégrer Trent.
- Je ne vois pas de meilleures solutions.
- Tu n'as peut-être pas assez cherché...
Indy regarda sa jeune amie, en silence, comme s'il tentait de sonder ses pensées.
- Quel est ton réel problème avec Kurtis Trent, Lara ? finit-il par demander.
- C'est un...
- Assassin ? Non, Lara, et tu le sais. Ce n'est pas lui qui a tué Penny. Il se trouvait à White Chapel pour les mêmes raisons que toi.
- Ben voyons !
- Lara, explique-moi, s'il te plait. Tu sais que tu peux me faire confiance, non ?
- Evidemment que je le sais ! cria-t-elle, soudain en colère. C'est justement en ce type que je n'ai pas confiance !
- Lara... Explique-moi, s'il te plait.
Sous le regard insistant et profond de son ami, la jeune femme se mordit la lèvre inférieure. Des larmes jaillirent de ses yeux, qu'elle essuya d'un revers de main rageur.
- Lara... explique-moi...
- Il... Il va prendre la place d'Alex. Je peux pas le supporter...
Indy hocha la tête en signe d'assentiment : il s'attendait à cette réponse.
- Tu as tort, Lara, fit-il d'une voix douce. Jamais il ne prendra la place d'Alex. Ni au niveau de ma confiance, ni au niveau de mes sentiments. Nous avons besoin de Trent, mais il ne sera jamais Alex, pour moi. Tu comprends ?
- Evidemment que je comprends ! fit Lara, acerbe. C'est bon, appelle-le. Mais je suis contre !
Indy soupira et décrocha son téléphone.

***

- Thor et Loki nous ont expliqué que les artefacts étaient trouvables grâce à leurs noms, fit Indy, debout devant son « assistance », composée de Lara, Bryce et Kurtis Trent. Prenons l'exemple le plus simple, à mon avis : le Pas Silencieux du Chat. Admettons que « Pas Silencieux » qualifie l'objet en lui-même et concentrons-nous sur « Chat ». Qu'évoque-t-il immédiatement ?
- L'Egypte, répondit Lara. Et leur culte mythologique des chats.
- Correct ! Il est raisonnable de penser que le Pas Silencieux du Chat est un artefact de l'Egypte Ancienne.
- Marrant, ton petit jeu de devinettes ! Continue.
- Bien. Nous avons ensuite la Racine de la Montagne...
Lara réfléchit en silence, mais Trent lui grilla rapidement la politesse.
- L'Himalaya, proposa-t-il. La plus grande chaîne de montagnes du monde. Un artefact tibétain, par exemple.
- Bien, Kurtis, excellente idée. Les Tendons de l'Ours ?
- Le Canada, proposa Lara, maintenant en compétition avec Trent.
Mais la jeune femme semblait être la seule à se sentir en compétition avec Trent : lui se contentait d'approuver les propositions de Lara d'un hochement de tête. Son calme énerva d'autant plus la jeune femme.
- Parfait, continua Indy. La Salive de l'Oiseau, maintenant...
Aucune réponse ne jaillit spontanément. Chacun se plongea dans ses propres réflexions. Lara cherchait comme une forcenée, s'empêchant de dire n'importe quoi qui aurait pu la crédibiliser aux yeux de Trent. Qui de toute façon s'en moquait.
- Peut-être l'Amazonie, proposa finalement Trent. La forêt vierge est un véritable vivier d'oiseaux exotiques.
- Pourquoi pas, répondit Indy, néanmoins sceptique. C'est à creuser. Bien, la Barbe de la Femme ?
- La France ! cria Lara, suffisamment fort pour que Winston arrête son travail et la fusille du regard.
La sévérité du majordome mise à part, c'était l'incrédulité qui prédominait chez les autres : Trent, Indy et Bryce regardaient maintenant la jeune femme avec des yeux écarquillés, sans comprendre.
- Euh... Pourquoi la France ? finit par demander Indy.
- Ben quoi ? Les Françaises sont réputées pour être négligées à ce niveau-là, non ?
Comme personne ne semblait se remettre du commentaire de Lara, elle se tut, boudeuse.
Deux heures plus tard, Bryce terminait d'installer quatre ordinateurs dans la bibliothèque du manoir. Indy avait décidé qu'après le « brainstorming », il fallait entrer dans une phase factuelle pour retrouver la trace des artefacts : Internet. Il espérait que le réseau mondial, couplé avec les ouvrages de Lord Croft, permettrait de trouver les artefacts assez rapidement. Ils avaient déjà une piste de réflexion concernant quatre objets sur six. Seuls le Souffle du Poisson et la Barbe de la Femme étaient encore trop obscurs pour leur permettre d'avancer. Lara, Bryce, Kurtis et lui se mirent donc chacun à un ordinateur, à la recherche de faits réels. Pendant plus de six heures, ils ne se parlèrent pas : l'un tapait sur son clavier, un autre se levait pour prendre un livre, un autre prenait des notes. La journée toucha enfin à son terme, mais le travail minutieux continuait, sans faiblir. Petit à petit, comme la nuit avançait, les recherches stoppèrent. D'abord Bryce, épuisé, alla se coucher. Puis Lara, fatiguée et écoeurée par ce travail fastidieux, partit à son tour. Indy envoya Kurtis se reposer à son tour, tant et si bien qu'à partir de minuit, seul Indy travaillait encore.
Indy s'installa devant la fenêtre de la bibliothèque pour admirer le lever du soleil. Le ciel était bleu, comme un mois de juillet normal. La campagne anglaise qui s'étendait à perte de vue autour du manoir était couverte de neige, seul indice du danger que courrait la planète. Indy soupira, se demandant combien de levers de soleil il pourrait encore contempler. Parfois l'immortalité le pesait. Surtout depuis la mort de son père. Pour compliquer le tout, il s'attachait encore et toujours à des gens, qu'il voyait vieillir et mourir. Demi-Lune. Ce gamin de Shanghai, qui l'avait tant aidé pour se défaire des Thugs, dans le nord de l'Inde. Devenu un homme. Puis un vieillard. Avant de s'éteindre, sans qu'Indy n'ait vieilli d'une seule année. Et maintenant, il reproduisait le schéma avec Lara. Il allait la regarder vieillir. Avoir des enfants. Des petits-enfants. Puis mourir, son devoir sur Terre largement accompli. Et lui resterait, encore et toujours. Avec sa peine et ses souvenirs. Le Graal était finalement une malédiction. Alors comme son père avant lui, il venait de prendre sa décision : trouver le moyen de mettre un terme à tout ça. Et Fenryr était un bon moyen. Voire Lorsenn lui-même. Indy savait maintenant qu'il ne survivrait pas à cette aventure. Il ne devait pas. Winston le tira de sa rêverie en entrant dans la bibliothèque.
- Vous ne dormez jamais, Winston ? demanda-t-il, surpris de voir le vieux majordome toujours habillé et impeccable, quelque soit l'heure de la journée.
- Autant que vous venez de le faire, docteur Jones, répliqua-t-il.
Indy afficha un pâle sourire, dû en grande partie à sa fatigue.
- Les temps sont troublés, Winston. Je me dois de tout donner pour résoudre le problème. Quitte à me priver de sommeil.
- Les temps sont tout aussi troublés à mon faible niveau, docteur Jones. Et je dois aider Lara à résoudre le problème. Quitte à me priver moi aussi de sommeil. Vous désirez quelque chose ? Thé ou café ?
- Café, merci. Vous êtes un homme admirable, Winston. Réellement.
- Je ne fais que mon travail, docteur Jones.
- Bien plus, Winston. Bien plus. Il faudrait être aveugle pour ne pas se rendre compte de qui vous êtes pour Lara. Et qui elle est pour vous.
- Patronne et employé, simplement.
- Oh non. Ne jouez pas ce couplet avec moi, Winston. Lara vous aime comme son père. Voire plus.
Le majordome haussa les épaules, sans se départir de son flegme.
- Vous surestimez mon influence, docteur Jones.
- Vraiment ? ironisa Indy.
- Et je vous prierais de ne plus aborder ce genre de sujet.
Indy reprit un air grave.
- Les non-dits ne sont jamais une bonne chose, vous savez, Winston. Vos positions sociales ne doivent pas être une barrière pour des sentiments aussi forts.
Winston le regarda droit dans les yeux, fixement, comme s'il s'apprêtait à dire quelque chose. Il sembla hésiter un court instant, avant de reprendre.
- Du sucre avec votre café, docteur Jones ?
Indy soupira, ne préférant pas insister.
- Deux, merci.
Le majordome s'inclina et sortit. Indy retourna à son ordinateur et reprit son travail.

***

Deux heures plus tard, Indy fut rejoint par Bryce, Lara et Kurtis, ainsi que par un solide petit déjeuner servi par Winston.
- T'as pas dormi ? demanda Lara.
- Non. Mais j'ai bien avancé, en me basant sur vos propres recherches. Grâce à vos notes à tous, j'ai pu obtenir tout ce dont on va avoir besoin pour récupérer les artefacts. Au moins les quatre plus faciles.
- Vas-y, on t'écoute.
- Ok... Alors le Pas Silencieux du Chat est un petit médaillon, issu, comme tu l'avais deviné, de l'Egypte Antique. Une infime partie du trésor funéraire d'un obscur pharaon. Le médaillon représente un chat, bien évidemment. Il a été trouvé, ainsi que le tombeau, par l'armée napoléonienne. Longtemps conservé à Paris, il a été offert il y a près d'un demi-siècle au Museum.
- Lequel ?
- Hein ? Oh, pardon, un réflexe. Le Brooklyn Museum, New York. Voilà. Identification et localisation claire et précise. Ensuite... La Salive de l'Oiseau. C'est un petit filet d'eau, à peine une source, qu'on trouve au fin fond de la forêt vierge, comme l'avait dit Kurtis. La trouver devrait être pénible, mais normalement, il ne devrait pas y avoir de surprise. La Racine de la Montagne est un bol tibétain, à caractère religieux. Pas de mystère non plus : pour l'avoir, il faut aller dans un monastère au Népal. Et enfin, retour aux Etats-Unis pour le Tendon de l'ours. Il s'agit ici d'une légendaire pépite d'or, dont le poids serait, selon le folklore local, de plus de trente kilos. C'est sûrement exagéré, mais notre problème est ailleurs. Des milliers de chercheurs d'or ont passé leur vie à la chercher, en vain. Espérons que Lorsenn, de là-haut, nous donnera un petit coup de pouce. Voilà, donc. Nous avons au moins quatre de nos objectifs. A nous de nous les répartir, afin d'optimiser nos recherches.
- Je pars pour l'Amazonie, fit Kurtis. J'ai quelques contacts, là-bas.
- Parfait, Lara ?
- New York. Pour les mêmes raisons.
- Très bien. Ce sera donc le Tibet pour moi. Le reste, on verra après. Attrapons déjà ces trois artefacts.
Chacun se sépara alors afin de préparer ses affaires. Lara fonça dans sa chambre, Kurtis partit immédiatement et Bryce retourna devant la télé. Indy rangea ses affaires, tandis que Winston débarrassait le bureau.
- Si je peux me permettre, docteur Jones, vous avez fait une erreur... fit soudain le majordome.
- Comment ça ?
- De laisser Lara aller seule à New York.
- Quoi ? Mais pourquoi ?
- Je sais qui est le contact dont elle a parlé.
- Et alors ?
- Alors il faudra surveiller les journaux new-yorkais. Rubrique catastrophe.

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