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L'âge de glace - Director's Cut

L'âge de glace - Director's Cut, Chapitre 24, par Pitoch, le 02 mai 2006.

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Chapitre 24

S'il pleuvait énormément, le mois de Juillet restait relativement normal sur les Etats-Unis. Après tout, Fenryr concentrait son attaque sur l'Europe du nord, lieu originel de la mythologie dont il était issu. Indy ne fut donc pas surpris de la température assez douce qui régnait à New York quand il atterrit. L'éminent archéologue n'avait pas le temps de faire un tour vers l'université, son vol pour Denver décollant dans la foulée. Il traversa le terminal international pour rejoindre les vols réguliers intérieurs. Passer d'un long courrier à un vol intérieur était l'une des choses les plus déprimantes qu'Indy connaissait : l'avion dans lequel il prit place n'était pas récent, et c'était un euphémisme. Les sièges étaient élimés, sales et inconfortables, d'autant qu'Indy se trouva rapidement coincé entre un footballeur et une femme énorme. Mais peu lui importait : le vol ne durait que deux heures.
Il arriva néanmoins courbaturé et de mauvaise humeur à Denver, capitale du Colorado. D'abord par son interminable voyage depuis Londres, conclu par deux heures très désagréables, mais surtout par l'impossibilité de la tâche qui l'attendait : trouver une pépite d'or de vingt kilos dans les Rocheuses. En s'engouffrant dans un taxi, Indy mesura d'autant mieux le problème : même si cette pépite n'était apparu dans le Colorado que depuis l'intervention de Thor et de Loki, il n'avait qu'une faible chance de la trouver avant un vrai chercheur d'or. Si ce n'était déjà fait ! Le taxi le déposa devant un bon hôtel, où il prit une chambre. Une douche bouillante, une sieste de quelques heures et sa tenue favorite d'aventurier lui firent voir le périple sous un jour plus optimiste. Il vissa son Stetson sur sa tête, enfila sa veste de cuir élimé et sortit de l'hôtel. Direction les hauteurs.
Un bus l'amena au sommet d'un col, point de départ de plusieurs randonnées. Indy s'engouffra dans le motel qui se trouvait là et fonça vers le bar. Ignorant les tables, il s'installa au comptoir et commanda un double whisky ainsi qu'une carte de la région. Il obtint les deux en quelques minutes, et se mit aussitôt à étudier le plan. Indy ignorait ce qu'il espérait trouver parmi cet amas de couleurs, mais son esprit travaillait, et c'était l'essentiel. De longues minutes passèrent, qui se transformèrent en heures, à tel point qu'Indy avait rejoint une table et avait commandé la bouteille entière. Malgré sa concentration, l'alcool et le temps qui passait, rien ne sortait de l'analyse de la carte. Absolument rien. Il finit par la repousser en soupirant, trois heures après. Il se versa le dernier verre de sa bouteille et regarda la salle principale tout en buvant. Et alors quelque chose le heurta. Une chose tellement simple qu'elle en était banale : tous les clients du bar étaient des hommes en bleu de travail.
Pourtant le motel était uniquement touristique, puisque point de départ des splendides randonnées dans les Rocheuses. Le lien avec Fenryr était loin d'être évident, bien sûr, mais la curiosité d'Indy prit le dessus, poussée par son intuition. Il retourna au bar et interpella le taulier.
- Dites, c'est fréquent, ce genre de clients ? demanda-t-il.
L'animosité de son interlocuteur se fit aussitôt ressentir : il détestait visiblement les questions.
- Je ne suis pas flic, soupira Indy. Juste un touriste étonné.
- Nan, c'est pas fréquent, fit simplement le barman d'un ton sec.
- Que se passe-t-il donc ?
- C'est le chantier.
- Le chantier ? Quel chantier ?
- Ils creusent un bout de montagne. Etudes géologiques.
L'homme était visiblement scandalisé par une telle entreprise, et ne s'en cachait pas.
- « Ils » ? Qui ça, « ils » ?
- Des scientifiques. Financés par un gros groupe industriel.
Indy étala aussitôt la carte sur le bar.
- Vous pouvez me montrer où se trouve ce chantier.
L'homme haussa les épaules.
- Z'avez qu'à demander aux ouvriers ! Vous avez fini avec la carte ?
Indy sentant qu'il ne tirerait plus rien du barman, il lui rendit la carte, paya sa bouteille et sortit.

***

Même à grande distance et au travers de jumelles, Tête de Fouine était reconnaissable parmi des centaines de personnes. Il semblait agité, gesticulant des ordres à des ouvriers, mais aussi à des cols blancs. Il regardait fréquemment autour de lui, semblant sursauter régulièrement. Indy posa les jumelles en soupirant : il ne faisait aucun doute que Tête de Fouine le cherchait. De toute façon, la présence de l'assistant de Lorsenn était la meilleure des preuves : la pépite se trouvait dans les environs. Et Tête de Fouine la cherchait sans aucune subtilité, en mettant en place un chantier et en retournant carrément la montagne. Or, Indy savait son adversaire intelligent, et donc subtil. Plusieurs hypothèses se mirent alors à le tourmenter. Il s'assit donc par terre et se prit la tête dans les mains, oubliant pour l'instant la présence proche de Tête de Fouine et de l'artefact.
- C'est pas gagné... soupira-t-il.
Ils savaient maintenant que Tête de Fouine continuait à travailler pour Loki, malgré les apparences. Le Dieu scandinave s'en lavait les mains, bien au chaud en Asgard, tout en supervisant les mouvements de son assistant. Son but était maintenant clair pour Indy : tisser une nouvelle corde non pas pour emprisonner Fenryr, mais pour le guider, comme un chien en laisse. Et ainsi orchestrer la destruction du monde. C'était un premier point. Indy sortit un calepin et un crayon et se mit à griffonner rapidement. Le but était clair. Restait le déroulement de l'affaire.
- Tête de Fouine s'est évertué à tenter de nous tuer, fit Indy, à voix haute. Sans résultat, nous sommes toujours vivants. Ce qui est logique, puisqu'il peut profiter de notre aide pour récupérer les artefacts. Ceci dit, étant donné l'étendue de ses moyens, il pouvait les récupérer lui-même...
En énonçant cette évidence, il regarda l'énorme chantier en contrebas.
- Il a essayé de nous tuer pour nous faire marcher dans sa stratégie, à savoir que l'on continue à croire que Loki était le gentil... Ou alors pour tester notre capacité à faire face... Mais pourquoi nous laisser prendre les artefacts ? Et pourquoi changer de politique maintenant ?
Indy refit un compte rapide : ils possédaient trois artefacts. Il en manquait donc trois, mais un était en passe d'être trouvé par Tête de Fouine. Sans subtilité. Alors que Tête de Fouine était un adversaire subtil. Bref, Indy tournait en rond. Pourquoi se mettre à chercher soi-même les artefacts d'un seul coup, et pourquoi avec si peu de finesse ?
- Pour deux choses, fit-il à voix haute, pour se répondre à lui-même. D'abord pour m'attirer, ensuite pour m'aider.
Son but était donc toujours le même, malgré les apparences : Tête de Fouine voulait que ce soit l'équipe de Lara qui récupère tous les artefacts.
- Mais pourquoi ? Pourquoi veux-tu que ce soit nous qui les récupérions...
Indy se perdait en conjonctures. Pour une nouvelle - rare - fois dans sa vie, il était complètement perdu. Il se leva, rassembla ses affaires et descendit précautionneusement vers le chantier.

***

Indy se retrouva rapidement derrière un baraquement mobile, à l'abri des regards. Lors de son approche, il avait pu dresser mentalement un plan du chantier. Il avait alors découvert l'entrée d'une mine qui semblait faire l'objet de toutes les attentions, d'après les incessants va-et-vients des ouvriers. Indy tentait de toujours connaître la position de Tête de Fouine, afin de garder une distance suffisante pour ne pas se faire repérer. Tout en étant convaincu que l'assistant de Lorsenn était déjà au courant de sa présence. Il s'approcha de l'entrée de la mine, toujours à couvert. Pratique née de l'expérience, bien qu'aucun garde armé ne semblait monter la garde. Indy voyait là un nouvel indice prouvant qu'il faisait ce que Tête de Fouine attendait de lui. Sentiment très désagréable au demeurant.
- Faut que j'arrête de me torturer l'esprit, marmonna-t-il. On verra ça après. Action, puis réflexion. A la Lara Croft, en somme...
Un ouvrier passa soudain près de lui, derrière les baraquements. Sans hésiter, Indy bondit sur lui et l'assomma. L'homme poussa un cri avant de s'écrouler, donnant instantanément l'alerte. Le brouhaha stoppa et les ouvriers les plus proches commencèrent à courir vers l'origine du cri.
- Eh ben... gémit Indy. On peut même plus assommer quelqu'un et prendre ses habits tranquillement. C'est plus ce que c'était...
Il laissa l'homme allongé par terre et courut vers l'entrée de la mine en faisant un léger détour derrière les baraquements et les machines-outils. Il sortit de sa cachette au dernier moment et s'engouffra dans la mine. Sans attendre, il se jeta à l'abri derrière un chariot, suffisamment vite pour ne pas attirer l'attention. Indy n'arrivait pas à s'ôter de l'esprit qu'il aurait très bien pu entrer dans le camp devant tout le monde, prendre la pépite et partir sans que personne ne l'en ait empêché. Encore ce sentiment désagréable. De sa cachette, derrière le wagon, il attendit que sa vue s'adaptât à la semi obscurité pour faire un rapide tour des lieux. Il découvrit ce dont il se doutait : une longue galerie s'enfonçant dans la montagne, des rails et des wagonnets. Bref, tout ce qu'il fallait pour faire un « remake » de sa folle chevauchée parmi les Thugs dans le nord de l'Inde, il y avait... Indy ne préféra pas compter : il quitta sa cachette au moment où les ouvriers lui tournaient le dos et s'enfonça dans la mine.
La ressemblance avec le rodéo dans les mines pakistanaises dans les années trente s'arrêtait aux wagonnets. En effet, dans le cas présent, la mine était de taille plus que modeste, et visiblement abandonnée depuis longtemps avant l'arrivée de Tête de Fouine. Son équipe n'avait fait qu'optimiser les structures existantes. Aussi Indy ne fut que peu étonné d'arriver bien vite au fond de la mine, dans la caverne principale où les excavations avaient eu lieu. Ce qui l'étonna beaucoup, par contre, c'est l'absence totale d'ouvriers et, plus encore, la présence de la pépite d'or sur un socle, au centre de la caverne. Un piège d'une telle évidence qu'il faisait injure à son intelligence. Sauf si, bien entendu, ce n'était pas vraiment un piège... Indy resta debout, immobile, à une bonne distance de l'artefact tant désiré. Il réfléchissait : Tête de Fouine bossait pour Loki, et son intérêt était de construire la corde. Mais l'assistant avait fait jusque-là de gros efforts pour faire croire qu'il avait trahi le Dieu, en tentant d'empêcher la construction de la corde. Et là, maintenant, alors que presque tous les artefacts étaient trouvés, le Tendon de l'Ours lui était offert. Sur un plateau. Comme si Tête de Fouine avait décidé de jouer franc-jeu. Ou comme s'il cachait encore autre chose. Indy prit une profonde inspiration.
- Vous pouvez venir, fit-il d'une voix forte. J'ai enfin compris...
Un petit ricanement ironique lui répondit.
- Je n'en doutais pas une seconde, docteur Jones. Mais vous avez mis un peu de temps, néanmoins. Oh, rassurez-vous, rien de décevant.
Tête de Fouine se plaça à côté d'Indy, face à l'artefact.
- Belle pépite, n'est-ce pas ? renchérit-il. Tellement évidente à trouver. Vous auriez sans doute dû commencer par là...
- Vous avez tué un jeune homme innocent et torturé un vieil homme !
Indy contenait sa colère, la mâchoire et les poings serrés. Tête de Fouine se contenta de sourire.
- Il fallait vous re-motiver, tous, fit-il. Je trouvais que vous vous laissiez un peu aller, à ce moment-là. Apparemment, j'ai obtenu de vous une plus grande détermination.
- Vous avez tué un gosse ! hurla Indy.
- On meurt tous un jour... Pourquoi ne me tuez-vous pas, docteur Jones ? Ici, et maintenant ? Nous constatons tous les deux que vous êtes plus grand et plus fort que moi... Non, ne répondez pas, je sais : vous tenez à laisser à Lara Croft le soin de venger son jeune ami et son majordome. Un de vos amis me l'a déjà expliqué, finit-il par dire en regardant sa main.
Celle-ci n'était même pas bandée. Pas l'ombre d'une cicatrice. Comme si elle avait repoussé. Indy se détendit soudain, relâchant la pression, mais garda les yeux fixés sur la pépite d'or.
- Depuis quand ? demanda-t-il soudain.
- Quoi donc ?
- Depuis quand travaillez-vous pour Fenryr ? Que vous a-t-il offert pour trahir l'humanité ?
Il se tourna vers son interlocuteur : Tête de Fouine était déstabilisé. Il se reprit néanmoins très vite et sourit.
- Vous venez de me surprendre, docteur Jones. Et c'est quelque chose de rare, vous pouvez me croire. Mon respect et mon admiration pour vous croissent chaque jour davantage.
- Vous n'avez pas répondu.
- C'est vrai.
Le silence s'installa entre eux.
- Vous avez travaillé à l'insu de Loki, reprit Indy. A l'insu d'un Dieu. C'est très fort.
- Fenryr est un Géant.
- Certes.
- Vous ne prenez pas l'artefact, docteur Jones ?
Indy resta immobile, ce qui fit ricaner Tête de Fouine.
- Difficile, n'est-ce pas ? En prenant cette pépite, vous jouez mon jeu. Mais vous n'avez pas le choix, car la corde représente également votre meilleur espoir de sauver le monde. Cruel dilemme !
- Quel est votre intérêt ? Vous comptez promener un Géant en laisse ?
Tête de Fouine renifla avec mépris.
- Faites ce que vous voulez, docteur Jones. Mais de toute façon, je vous dis à très bientôt.
Il tourna les talons et remonta dans la galerie d'accès. Quelques minutes plus tard, Indy était de nouveau totalement seul dans la mine, face à la pépite d'or et à ses multiples interrogations. Face à ses doutes. Il ne savait plus quoi faire, ni comment le faire. Il n'avait pas une vue d'ensemble du problème, et ne pouvait ainsi pas appréhender correctement la portée de chacune de ses actions. Tête de Fouine menait le jeu, et rien ne pouvait changer ça. Pour l'instant, du moins. En soupirant, il s'approcha du socle au centre de la caverne et ouvrit son sac.

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